Difficile aujourd'hui d'imaginer l'ampleur de la résidence ducale. La représentation la plus ancienne nous est donnée par le dessin du château représenté dans l'Armorial de Revel, daté du 15e siècle. On y voit au centre le château de Moulins, avec sur la gauche la tour maîtresse « Mal Coiffée », et ensuite le reste de la résidence qui occupe une partie du centre de la ville actuelle.
Au début du 15e siècle, on retrouve dans ces murs l'ensemble des organes de pouvoir et de confort qui existent dans les résidences royales et princières du royaume : une grande salle, des chambres privatives et semi-privatives, une chapelle et des oratoires privés, des galeries, une bibliothèque, une grande cuisine, une étuve pour la toilette etc. De ce château subsistent aujourd'hui la tour, la grande courtine, la tour des archives, l'amorce du bâtiment de la grande salle et des caves.
En 1488, Pierre de Bourbon, seigneur de Beaujeu (1438-†1503) et son épouse Anne de France (1461-†1522), fille de Louis XI (1423-†1483), deviennent duc et duchesse de Bourbon. Sous leur principat, le château va connaître sa seconde grande phase de travaux.
Ces travaux vont tout d'abord viser diverses réparations au sein même de la tour maîtresse du château. Différentes poutres vont ainsi être remplacées, comme c'est le cas dans la salle du rez-de-chaussée, où la poutre maitresse a été installée en 1490 et au-dessus de laquelle a été apposé le blason des Bourbons : d'azur à trois fleurs de lys d'or et à la bande de gueules (bande rouge barrant le blason). Ces travaux de réaménagement vont être réalisés dans le parfait respect de l'architecture du château. De nouveaux bâtiments vont venir compléter la partie d'époque Louis II, sans la dénaturer ou la rendre obsolète.
Le couple va également mener les travaux d'agrandissement du château vers le nord avec la construction d'un grand corps de logis, visible encore aujourd'hui depuis les jardins bas.
D'une longueur de plus de 70 mètres, cette extension témoigne d'une architecture du gothique flamboyant. Elle est parfaitement alignée avec la façade de la Mal Coiffée, montrant là encore le respect envers l'architecture d'originelle du château.
Plus loin, dans l'alignement de ce grand corps de logis, sera installée une chapelle dédiée à Saint Louis. C'est perpendiculairement à cette chapelle que sera construite la galerie de style Renaissance, qui abrite aujourd'hui le musée.
Après le décès de Pierre II en 1503, Anne de France puis sa fille Suzanne (1491-†1521), sont duchesses de Bourbon. Cette dernière épouse en 1505 Charles de Bourbon-Montpensier (1490-1527) qui sera nommé Connétable du roi François Ier (1494-†1547) de 1515 à 1521. Les relations entre le roi et son Connétable vont cependant se détériorer, jusqu'en 1523 ou Charles fuira son duché qui sera saisi par le roi, de même que l'ensemble des biens des Bourbons. Le duché reviendra à la mère de François Ier, Louise de Savoie (1476-†1531), cousine germaine de Suzanne. À la mort de la reine-mère, le domaine Bourbonnais revient définitivement à la Couronne française et sera attribué aux reines durant leur veuvage.
Dans les années 1560, Catherine de Médicis (1519-†1589) sera la dernière à faire réaliser de grands travaux au château de Moulins (construction d'un bâtiment entre la chapelle et le grand corps de logis, à l'emplacement actuel de l'entrée du musée).
En 1661, le duché de Bourbonnais est cédé au prince Louis II de Bourbon-Condé (1621- †1686) en échange de celui d'Albret. Si certaines parties du château resteront réservées aux Condé, ceux-ci n'y résident pas, et le reste des bâtiments sera divisé en appartements et loué à des particuliers jusqu'au 18e siècle.
C'est dans ce contexte que se déclare un violent incendie, la nuit du 2 au 3 juin 1755, dans l'appartement du marquis des Gouttes, au premier étage au centre du grand corps de logis. Le feu se propage rapidement, gagne les combles et par là se dirige vers la Mal Coiffée au sud puis vers la chapelle Saint-Louis au nord. Ce sont surtout les agrandissements de Pierre II et Anne de France qui ont souffert de cet incendie.
Alors que le château est plus ou moins abandonné, une nouvelle page de son histoire va s’écrire à partir de 1775. Il va être décidé d’installer en ses murs une prison alors même qu’une grande partie du site est délaissée et utilisée comme carrière de matériaux par les habitants de la ville.
Entre 1777 et 1785, les prisons de la ville sont transférées dans les murs restants du château. Un témoignage de 1791 renseigne sur la destination des lieux : « … la tour carrée appelée la Mal coiffée sous laquelle sont des cachots et l’infirmerie des prisonniers… ».
Dans les différentes salles, des graffitis témoignent du passage des prisonniers en ces murs aux 18e et 19e siècles.
L’une des périodes sombres de la prison viendra au milieu du 19e siècle. En effet, le 2 décembre 1851, lors du coup d’État de Napoléon III, tous les anti-bonapartistes, ou supposés comme tels, seront enfermés. À Moulins, de nombreuses arrestations ont lieu, obligeant à installer des prisonniers jusque dans les combles de la tour. Les mitards, petits cachots sombres, humides et insalubres, situés en sous-sols sont alors utilisés comme moyen de torture passive afin d’attiser la délation.
Le 18 juin 1940, les troupes allemandes arrivent à Moulins. La nouvelle ligne de démarcation entre la zone libre et la zone occupée passe à Moulins, au niveau du pont Régemortes.
Dès leur arrivée, les Allemands réquisitionnent la Mal Coiffée. Les prisonniers de droits communs et les surveillants sont envoyés dans d'autres prisons et elle devient, en 1941, la seule prison française de la Wehrmacht, gérée par des Allemands.
Les Juifs et les personnes soupçonnées d'appartenir à la Résistance sont les principaux détenus de cette prison. Il est impossible de connaître exactement le nombre de prisonniers enfermés pendant cette période à la Mal Coiffée car l'armée allemande a brûlé tous les registres d'écrous lors de leur départ du site à la fin de la guerre. Il semble toutefois que l'effectif ait varié de 300 à 400 détenus, selon le rythme des déportations et l'intensité de la répression menée contre la Résistance.
À la fin du mois d'août 1944, alors que les forces d'occupation évacuent l'Allier, la majeure partie des prisonniers est libérée. Parmi ceux-ci figurent deux membres importants de la Résistance : Robert Fleury qui deviendra préfet de l'Allier, et Maurice Tinland, futur maire de Moulins. Cependant, 66 personnes sont retenues par les Allemands pour être déportées, le 25 août, dans un ultime convoi vers les camps d'extermination allemands.
La prison est vide lorsque les derniers éléments de la garnison allemande quittent Moulins quelques jours plus tard.
À la libération de la ville, le 6 septembre 1944, la Mal Coiffée accueille des personnes internées pour des faits de collaboration. Elle retrouve également sa fonction de prison de droit commun.
Encore aujourd'hui, les mitards et les grands cachots situés sous la tour, ainsi que les nombreux graffitis laissés par les prisonniers dans ces espaces, rendent compte de cette page sombre de notre Histoire.
Jusqu'en 1983, la prison de Moulins occupera les murs du château des ducs de Bourbon. Si les mitards ne sont plus utilisés depuis la guerre, les cours de promenade et les dortoirs permettent de découvrir une partie méconnue de l'histoire carcérale du lieu. C'est seulement au moment de l'ouverture du centre pénitentiaire d'Yzeure que la Mal Coiffée fermera définitivement ses portes...
Le site est racheté 1 franc symbolique par le Conseil départemental de l'Allier en 1986. Après différents travaux de sécurisation et d'importantes campagnes de fouilles menées par le SAPDA, le château des ducs de Bourbon rouvre ses portes au public depuis 2013 pour des visites estivales.